Hebridean Way (6) : Lewis

En partant de Tarbert, je sais que j’entame la dernière partie de la traversée des Hébrides extérieures.

Cette dernière ligne (pas du tout) droite débute par un chemin facile à suivre, qui remonte un grand loch quelques kilomètres après Tarbert, en grimpant doucement vers un col qui m’emmène vers un nouveau système de vallées. Je marche vite et sans effort, sous un frais soleil, ce qui m’emmène à la fin théorique de l’itinéraire du jour vers 14 heures. Je décide donc de poursuivre encore un peu ma journée de marche.

Vers la fin de l’après-midi, je me retrouve dans un des très rares terrains boisés des Hébrides. De nombreux sapins ont été plantés là, mais ils souffrent visiblement d’une maladie et sont presque tous blanchis et secs. J’ai donc l’impression de traverser une zone désolée et morte. Le ciel s’est obscurci, le vent s’est levé et a rafraîchi l’air, en haut d’une colline pelée des corbeaux noirs croassent : tout cela donne une ambiance vraiment étrange et pas très enthousiasmante ! C’est impressionnant comme en peu de temps, avec trois nuages et deux coups de vent, on peut passer d’une impression générale bucolique à un environnement qui semble presque hostile.

Heureusement quelques kilomètres plus tard, une jolie rivière serpente en bas des collines, j’y retrouve Tyson et Amanda qui y ont posé leur tente. Je bivouaque moi-même un peu plus loin sur un tertre d’herbe accueillant. Ma nuit est bercée par le bruit de la rivière, mais aussi par les aboiements de cervidés dans la forêt qui la borde.

Bivouac au bord de la rivière

La journée suivante se passe dans un déchaînement de vent. Dès le matin il fait froid, gris, humide. Les rafales de vent et de pluie me balayent. Le début du chemin se fait (heureusement pour mes pieds) sur un chemin de planches qui surplombe un très grand marécage, sur plus d’un kilomètre. Puis je continue dans la lande, sur un chemin quasiment invisible qui suit les courbes de récolte de tourbe anciennes.

J’avale assez rapidement les 10 kilomètres qui me restaient sur l’itinéraire prévu ce jour-là (que j’avais déjà bien entamé la veille), et rejoins le village de Baile Ailen vers l’heure du déjeuner. Je comptais sur un café communal théoriquement ouvert pour m’abriter un peu et me réchauffer, mais il est malheureusement fermé. Je déjeune donc frigorifiée sur les marches de la bibliothèque municipale (également fermée), en compagnie d’un chien errant très intéressé par ma semoule !

Le début de l’après-midi est un peu pénible : je dois longer pendant plusieurs kilomètres la route qui mène à Stornoway, et qui est assez passante. Il fait froid et le vent continue de souffler très fort. Cela donne une petite idée des conditions météo ici en automne ou en hiver…

Ayant un peu décalé mes journées de marche par rapport aux étapes « officielles » de l’Hebridean Way, je suis donc théoriquement sur la dernière étape du chemin.

Je termine l’après-midi de cette journée éprouvante dans un paysage de landes et de collines absolument vide où je n’entends que le bruit du vent qui siffle tout autour de moi. J’aime infiniment cela, même si cette nature austère peut paraître peu accueillante.

J’essaie de trouver un endroit pour planter ma tente en début de soirée. Le dilemme est le suivant : pour avoir une chance de m’installer sur un sol pas trop humide, il vaut mieux être en hauteur sur les collines. Mais en hauteur il n’y a aucun endroit abrité du vent. Que faire ?

Je choisis le vent contre l’humidité, et plante donc (difficilement !) ma tente du mieux que je peux en haut d’une colline, à peine abritée par un talus. La soirée est un peu agitée, je vois sur la météo marine un avis de « grand frais » sur les Hébrides extérieures : cela m’inquiète un peu, les rafales dépassent allègrement les 50km/h et ne se calment pas de la soirée. Mais ma vaillante petite tente résiste bien ! En revanche j’ai énormément de mal à m’endormir, le vent sur la tente fait beaucoup trop de bruit. Cela me permet pour une fois de m’endormir après le coucher du soleil et d’admirer celui-ci. Je finis également par mettre des podcasts sur mon téléphone pour masquer un peu le bruit du vent et essayer de dormir. Cette nuit est peu reposante.

Coucher de soleil sur Lewis

Ironie des séries, j’avais déjà expérimenté une dernière nuit de randonnée particulièrement agitée et venteuse en 2017 à la veille d’arriver au Cape Wrath, à l’extrême nord-ouest des Highlands ! Peut-être que c’est pour que je n’oublie jamais ces veilles d’arrivée, où la satisfaction d’atteindre au but se teinte déjà de nostalgie ?

Le lendemain matin, dernier jour de marche, commence mal : je renverse deux fois d’affilée mon eau qui chauffe pour le petit déjeuner, ce qui fait que je suis sérieusement à sec. Je n’ai également plus rien à manger qui ne nécessite pas d’eau, à part une barre chocolatée. Les quinze kilomètres qui restent à faire sont sur une petite route plutôt jolie, mais qui me brûle les pieds. Je force un peu le rythme, ayant hâte d’arriver.

Dernière route vers Stornoway / Steornabhagh (en gaélique)
« T’as pensé au pain ? »

L’entrée dans Stornoway se fait par les hauteurs, derrière le grand parc du Lews Castle. J’arrive sous une pluie fine jusqu’au petit monument, en bas du château, qui signale la fin de l’Hebridean Way. Victoire ! Les gens qui passent semblent un peu étonnés que je photographie mon sac à dos au pied du monument, mais je suis vraiment contente d’être là et j’ai envie d’en garder un souvenir.

Je me rends ensuite dans le cœur de la petite ville de Stornoway, ravissante, où je rejoins l’hostel dans lequel j’ai réservé un lit pour trois nuits, le temps de me poser et de me balader un peu dans Lewis avant de reprendre le ferry. Je reçois un petit message d’Amanda, qui me demande où je suis. J’étais persuadée qu’ils étaient devant moi, mais non ils sont largement derrière. Nous convenons de nous retrouver le soir au restaurant pour fêter la fin de notre marche.

Happy Ending

Un avis sur « Hebridean Way (6) : Lewis »

  1. Merci de ce récit de votre randonnée. J’aimerais faire le même trajet sous peu alors ça donne une bonne idée de ce que l’on peut y rencontrer comme conditions.

    Marie-France

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